Une rue sablonneuse au quartier Touba Pikine situé dans la commune de Djeddah-Thiaroye-Kao. Un quartier où l’atmosphère est devenue subitement très pesante depuis la mort de Fatou Kiné Gaye, vendredi dernier à Pikine. La défunte n’habite pas le quartier, mais le présumé auteur de sa mort y crèche avec sa famille.
« Depuis que cette affaire est arrivée, nous sommes dans un total désarroi », soufflent des jeunes trouvés hier à quelques mètres de la maison familiale de Khassimou Bâ. « C’est la maison d’en face », confie l’un d’eux, l’index pointé sur un bâtiment à la peinture défraichie avec des vieilles persiennes en bois.
Bass, (appelons le ainsi) est à la fois sous le choc et en colère. On le soupçonne d’être l’auteur de la vidéo devenue virale qui montre l’épouse de Khassimou dansant et exhibant ses atours vingt quatre heures après l’arrestation de son époux pour assassinat. « C’était indécent de sa part », rouspète Bass.
Âgé d’une quarantaine d’années, Bass était là au début de l’enfance de Khassimou dont on témoigne qu’il n’est ni agressif ni violent. « Il avait la sympathie de tout le monde », assure Khadim, un autre habitant venu se joindre à la discussion.
Excellent milieu de terrain de l’Asc Ceddo
Dans ce quartier, le trait d’union des habitants, tous les âges confondus, reste le club de football Asc Ceddo 80, une équipe de Navétanes au riche palmarès, avec notamment le titre national en 1991. Ici, on respire et on s’habille avec les couleurs bleu et blanc de ce club mythique où Khassimou Bâ a tait ses premiers pas dans le football.
Son talent et son intelligence l’ont longtemps distingué des autres joueurs. Il ne pouvait en être autrement, selon nos deux interlocuteurs. « C’est son intelligence à l’école qui faisait que ce garçon calme était un virtuose du ballon », assure Bass.
De tout le quartier, on assure qu’en dehors des terrains de football, Khassimou n’était pas un bagarreur, malgré son appartenance à un club réputé chaud. « Je ne l’ai vu se battre qu’une fois ». Et Bass en rit presque. Lui qui s’interroge encore sur la barbarie de l’acte posé par Khassimou. “Nous l’avons couvé et apprécié, mais l’acte fait que nous sommes obligés de le lâcher », assène net notre interlocuteur.
Pourtant, selon Khadim, les premiers signes de déviance chez ce brillant joueur et élève au parcours moyen sont apparus dès après l’adolescence. Presque adulé pour son talent de footballeur, le garçon, à la faveur des Navétanes, avait commencé à flirter avec le Blow, cette façon de s’habiller, de s’exprimer avec un penchant pour le luxe, la sape, les bagnoles. « Il était très correct et aimait bien s’habiller, ce qui tranche d’ailleurs avec la situation modeste de sa famille », relève Khadim.
Un goût du luxe qui fera que Khassimou ne va lésiner sur les moyens au moment de convoler en justes noces. Un mariage célébré en grande pompe et qui semble avoir précipité la chute de Khassimou. Le bonhomme s’était métamorphosé. Il avait certes gardé ses rapports avec les amis d’enfance mais s’affichait de plus en plus comme un prince qui tient à son port vestimentaire.
A Touba-Pikine, on ignore si ce brusque changement s’est effectué sous la dictée de sa femme ou si le garçon, gêné par la situation modeste de sa famille, avait dans un coin de sa tête un désir de vengeance sur la société.