LE JEUNE DU MOIS BENI DU RAMADAN : une éducation spirituelle pour la paix et le développement universels
Le huitième des douze Imams infaillibles de la famille du Prophète (Ahloul Bayt), Ali Ridhâ (psl) citant la chaîne de transmission de sa lignée paternelle, rapporte ce témoignage de l’Imam Ali (psl) : “Un jour, le dernier vendredi du mois de Chabaan, le Prophète (pslf), nous a fait le discours suivant: «Ô gens! Le mois de Dieu est venu en vous apportant la bénédiction, la miséricorde et le pardon. C’est un mois qui est le meilleur des mois pour Dieu; ses jours sont les meilleurs des jours, ses nuits sont les meilleures des nuits, ses heures sont les meilleures heures. C’est un mois pendant lequel vous êtes appelés à être les convives de Dieu, et honorés par LUI. Dans ce mois, vos souffles sont glorification, votre sommeil: culte; vos bonnes actions: acceptées; votre imploration: exaucée. Priez Dieu donc, avec des intentions sincères et des cœurs purs, de vous faire réussir à jeûner (pendant ce mois) et à réciter Son Livre, car le malheureux est celui qui se trouve privé du pardon de Dieu pendant ce mois grandiose. Rappelez-y, par votre faim et votre soif, la faim et la soif du Jour du Jugement, donnez l’aumône aux pauvres et aux indigents parmi vous; respectez vos aînés et soyez miséricordieux envers vos cadets. Enquérez-vous de vos proches, retenez vos langues, éloignez vos regards de ce qu’il n’est pas licite de regarder, et vos oreilles de ce qu’il n’est pas licite d’écouter. »
En effet, le jeûne du mois de Ramadhân est une obligation divine essentielle : « O vous qui avez la foi : le jeûne vous est prescrit à l’instar de vos prédécesseurs afin que vous atteigniez la taqwa » (Baqara,2 : 185). La taqwa est la réalisation spirituelle .Elle est la transformation qui permet de faire jaillir la lumière qui nous permet constater que nous sommes sacrés, mais également que tous nos semblables sont sacrés. Elle nous fait aimer nos semblables autant que nous-mêmes. Mais, Il ne faut pas confondre réalisation spirituelle avec renoncement aux affaires terrestres. Le Prophète Mouhammad (pslf) nous recommande d’intégrer notre vie temporelle à notre vie spirituelle par ces paroles sublimes : « travaille pour ce monde comme si tu devais y vivre éternellement, et travaille pour l’au-delà comme si tu devais mourir demain ».Ainsi la réalisation spirituelle est inséparable de la satisfaction légitime des besoins matériels, individuels et communautaires.
Cette réalisation se fait par l’éducation de l’âme dans sept domaines que sont : le corps, la nourriture, le vêtement, l’habitat, le métier, les actes et la parole. Ce sont les sept provinces où doit régner la volonté de l’homme. Il faut que la personne ait le corps toujours pur et propre en le débarrassant des impuretés physiques qui engendrent la maladie et des impuretés spirituelles qui empêchent l’adoration d’être effective. La nourriture doit être saine, équilibrée et licite pour la santé de l’âme et de l’esprit. Le vêtement est une extériorisation de la paix intérieure et de l’amour de Dieu. Il faut que l’habitat soit conforme aux besoins d’épanouissement de l’homme ainsi qu’à l’harmonie familiale et sociale. Le métier , en plus d’être licite doit être en harmonie avec les aptitudes et les dispositions de chacun et bien maitrisé.
Les actes doivent être alignés sur les trois niveaux que sont la Loi, la Voie et la Vérité. Se conformer à la Loi, c’est faire ce que nous ordonne le Créateur et s’éloigner de ses interdits. Suivre la Voie consiste à cultiver le bon comportement. Quant à la Vérité, c’est la conjonction de la Loi et de la Voie qui crée l’harmonie et la paix intérieure qui sont les deux ailes du vrai bonheur qui n’est pas une destination mais une trajectoire. Le Prophète a dit que : ” La meilleure des actions dans ce mois, c’est de s’abstenir et d’éloigner ses organes de sens de tout ce que Dieu a interdit» .De ce fait, le jeûne purifie l’âme et mène au contrôle de soi. Cette résistance aux passions et cette abstinence du licite , constituent pour l’homme un exercice d’autocontrôle qui le rend capable de résister à la paresse, à la volonté de domination, à l’égoïsme et à l’avidité qui sont les plus grands obstacles à la paix ,au progrès et au développement humain intégral. Mais, que devons nous entendre par développement et progrès ? Je pense que le développement est multidimensionnel et qu’une civilisation peut se développer sur un aspect et régresser sur un autre. Le fait de vouloir réduire le développement aux seu ls aspects matériels ou bien devrais je dire matérialistes, est l’une des illusions les plus pernicieuses de notre civilisation moderne. Si on observe notre planète, on se rend compte qu’elle est comparable à un océan de misère où surnagent quelques ilots de prospérité.
L’humanité se divise en une minorité de riches dont la prospérité matérielle s’accompagne souvent d’une pauvreté spirituelle et d’une majorité de pauvres. Ainsi, la pauvreté qu’elle soit matérielle ou spirituelle est la chose la mieux partagée dans notre monde : c’est le signe d’un mal développement universel. Cette situation se lit à travers l’enfermement des riches dans leur « gated communities » et leur refus du partage avec les pauvres qui se meuvent dans un cercle vicieux marqué par l’accès difficile à la santé et à l’éducation, la faim et les maladies de masses, la destruction de l’environnement et la violence aveugle, l’émigration clandestine et la piraterie. Je pense donc que le problème du développement est mal posé.
L’être humain est multidimensionnel car intégre des aspects physiques, psychiques et spirituels.
Chacun de ces aspects mérite d’être pris en compte lorsque l’on veut atteindre un développement humain intégral. C’est pourquoi justement, le jeûne du mois béni de Ramadan bien compris est une éducation à la paix et au développement et non un fardeau ou un prétexte pour fignoler dans le travail ou s’adonner à la gabegie et à l’ostentation. C’est une grâce divine pour un retour à la solidarité et au renforcement du spirituel, gages du bonheur ici bas et du salut éternel dans l’au-delà.
En revenant sur le jeûne, je voudrais attirer l’attention sur deux pratiques courantes qui à mon humble avis doivent être revues et corrigées :la rupture du jeûne au coucher du soleil et les nafilas qui ont connu des modifications inopportunes après le décès du Prophète (pslf).Pour l’heure de coupure du jeûne, Allah dit dans le Coran :«mangez et buvez jusqu’à ce que se distingue, pour v ous, le fil blanc de l’aube du fil noir de la nuit. Puis accomplissez le jeûne jusqu’à la nuit.»(Al Baqara 2 : 187).Ainsi le Saint Coran est très clair : jusqu’à la nuit.
Ce qui veut bien dire qu’on ne saurait couper le jeûne alors la nuit n’est pas tombée sous peine de le rendre incomplet, donc nul … tout au moins dans les régions non polaires où les jours et les nuits sont sensiblement de longueurs constantes durant toute l’année. Hélas on constate cependant une précipitation injustifiée à couper le jeûne de sorte à pouvoir faire la prière de Maghreb (Timis) dans un délai que l’on juge à tort de trop court (par rapport à quoi ?).
Donc en clair l’heure de la prière de Maghrib ainsi que la coupure du jeûne interviennent 15à 20 mn après le coucher du soleil , au début de la nuit après la disparition de la rougeur laissée par les derniers rayons de soleil du coté du levant. Une autre point important porte sur les nâfilas ou encore tarâwih. Il s’agit des prières supplémentaires faites en groupe pendant les nuits du mois de Ramadhân. Sous le Prophète (Pslf) puis sous Abu Bakr, les musulmans faisaient leurs prières surérogatoires pendant les nuits du mois de Ramadhân de façon séparée après avoir prié en groupe la dernière prière obligatoire de la nuit (Ichâ). En effet le Messager d Allah (pslf) disait que « la meilleure des prières est celle accomplie par par le fidèle dans sa demeure, hormis les cinq prières quotidiennes obligatoires » .Quand ‘Umar arriva au califat ,il décréta qu’on les fasse désormais en groupe or Dieu dit qu’Il ne charge jamais ses créatures que nous sommes de ce que nous ne pouvons supporter. Et Dieu dit à ce propos : « Ton Seigneur sait, certes, que tu (Mouhammad) te tiens debout moins de deux tiers de la nuit, ou sa moitié, ou son tiers.
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De même qu’une partie de ceux qui sont avec toi. Allah détermine la nuit et le jour. Il sait que vous ne saurez jamais passer toute la nuit en prière. Il a usé envers vous avec indulgence. Récitez donc ce qui (vous) est possible du Coran. Il sait qu’il y aura parmi vous des malades, et d’autres qui voyageront sur la terre, en quête de la grâce d’Allah, et d’autres encore qui combattront dans le chemin d’Allah. Récite-en donc ce qui (vous) sera possible. 73 : 20). Pour revenir donc à l’enseignement originel du Prophète (P) de l’Islam et à son exemple, cessons sinon tout au moins ne continuons pas à imposer les nafilas en groupe, surtout lorsqu’on sait qu’il y a des musulmans qui vont jusqu’à penser qu’on ne peut pas jeûner si on n’a pas fait des nafilas la veille.
Il est vrai qu’elles sont hautement recommandées et qu’elles sont l’occasion d’affirmer et de renforcer l’intention de jeûner le lendemain, mais ces prières ne sont pas obligatoires contrairement à l’aspect que lui donne la pratique en groupe. L’Envoyé d’Allah Mouhammad (paix et salut sur lui et sa famille) a recommandé un total de 1000 rak ‘ah pour tout le mois et à défaut autant qu’on peut en faire de même que la lecture complète du saint coran. A chacun donc de prier dans son intimité le nombre de rak’ah supplémentaires qu’il peut supporter à l’heure qu’il veut.
En considérant ces sublimes recommandations de l’Envoyé d’Allah Mouhammad (paix et salut sur lui et sa famille), nous nous évertuons depuis des décennies à exhorter nos frères croyants à mener le combat pour l’avènement de la paix et du progrès pour toute l’humanité ce qui constitue le plus grand et l’ultime JIHAD.
Pour ce faire, je pense qu’il est nécessaire de revisiter les enseignements de l’Islam Originel préservés par mes ancêtres, les membres purifiés de la famille du Prophète (Ahloul Bayt) à propos de qui il disait : « Je vous lègue deux autorités: le premier c’est le Livre de Dieu dans lequel sont votre Guidance et votre Lumière. Puisez dans ce Livre et accrochez-vous à ce Livre et à ma descendance (Ahloul-Bayt), ma descendance, ma descendance. », Sahih Muslim, Tome II page 238.
Cet Islam que j’ai hérité d’eux et vers lequel j’invite les gens est un Islam de Paix, d’amour, de partage, de tolérance et de progrès.
Que la Paix et le Salut soient sur tous et qu’Allah accepte notre jeûne.
Chérif Mouhammad Ali Aidara, Guide de la communauté chiite Mozdahir,